ROCHEUSES (MONTAGNES)

ROCHEUSES (MONTAGNES)

Les montagnes Rocheuses sont la chaîne la plus puissante de l’Amérique du Nord. Elles forment un gigantesque bourrelet de 3 000 km de long, qui possède une série de sommets dépassant 4 000 m. Cette immense barrière, division naturelle du territoire, joue un peu le même rôle que les Alpes en Europe: frontière d’État franchie par les grandes voies de communication, généreux château d’eau pourvu de vastes barrages fournissant d’importantes quantités d’hydro-électricité, lieu de tourisme célèbre pour ses parcs nationaux et ses stations de ski. Elle est en outre un remarquable réservoir de richesses minières et forestières. Les Rocheuses dominent directement les grandes plaines à l’est et de vastes plateaux de laves désertiques vers l’ouest, qui s’étendent jusqu’aux cordillères côtières.

Les différentes parties des montagnes Rocheuses

Au nord, la partie canadienne des Rocheuses est formée de couches sédimentaires plissées et soulevées; elle présente de grandes dislocations et des formes extrêmement variées. Les points culminants sont le mont Columbia (3 747 m) et le mont Robson (3 954 m). Les sommets ont souvent un aspect aplani; l’érosion glaciaire a puissamment imprimé sa marque, laissant de vastes cirques et des auges profondes. Les plus hautes terres portent encore de petits glaciers. Froide, humide et boisée, cette chaîne a peu de ressources minières et seuls les terrains crétacés contiennent quelques bassins miniers exploitables. Dans l’ensemble, peu d’habitants vivent dans ces montagnes inhospitalières; il existe cependant une série de petites villes le long des vallées, notamment dans le Sud.

Aux États-Unis, on distingue trois grandes divisions dans les Rocheuses. Au nord, jusqu’à la latitude des sources du Missouri, on retrouve les caractéristiques des Rocheuses canadiennes: chaînes confuses ne dépassant guère 2 000 à 3 000 m d’altitude, avec quelques sommets plus élevés; les dislocations tectoniques sont importantes et le fossé occidental, le Rocky Mountain Trench, se poursuit jusqu’à la vallée transversale de la Columbia: il atteint 1 600 km de longueur, et c’est une des plus longues dépressions de l’hémisphère occidental, qui a joué un rôle considérable dans la pénétration de la montagne.

Au centre, les Rocheuses passent d’une direction nord-ouest - sud-est à une direction nord-sud; elles deviennent plus complexes et plus élevées. Elles comprennent des noyaux de granit massifs et puissants comme les monts Bighorn, des blocs faillés plus ou moins dissymétriques, tels les grands horsts des monts Wasatch qui dominent Salt Lake City, des plateaux volcaniques comme le célèbre plateau de Yellowstone formé de laves atteignant 600 à 700 m d’épaisseur. On y trouve même une chaîne orientée selon un axe ouest-est: les monts Uinta au sud-est du Grand Lac Salé, énorme anticlinal de grès long de 250 km. La plupart des sommets de cette région dépassent 4 000 m. Les influences glaciaires sont encore très marquées et sont souvent découpées par des cirques dans les hauts sommets, tandis que les vallées en U et les lacs sont nombreux. Il faut de plus y ajouter les effets du volcanisme: coulées géométriques, canyons aux corniches rectilignes, eaux chaudes qui jaillissent en geysers comme le Old Faithful dont les élancements à intervalles réguliers constituent une des attractions du parc national de Yellowstone. Au sein de ces montagnes s’ouvre le bassin du Wyoming, qui interrompt pratiquement la chaîne et s’ouvre au nord-est sur les grandes plaines et au sud sur le plateau du Colorado. Ses hautes terres sont dominées de tous côtés par les sommets les plus élevés des Rocheuses: au nord les monts Wind River (4 202 m), au sud-ouest les monts Uinta (4 115 m); au sud-est, avec le début de la troisième partie des Rocheuses, toute une série de pics dépassant 4 000 m et dont le plus élevé est le mont Elbert (4 399 m).

Les Rocheuses du Sud, dont les crêtes allongées du nord au sud sont séparées par des bassins intérieurs, se présentent de façon plus régulière. À l’est, le Colorado Front Range est dû à une série de noyaux de granit; ses sommets dépassent presque tous 4 000 m. Au centre se trouvent des bassins, appelés «parcs», qui sont de profonds fossés emplis de terrains crétacés et tertiaires dont l’épaisseur atteint 3 500 à 5 000 m: il n’y a presque pas d’arbres; les rivières s’y infiltrent, tel le rio Grande qui perd un cinquième de son volume d’eau; l’écoulement superficiel est rare et l’action du vent violente. Au-delà de ces bassins, vers l’ouest, une nouvelle ligne de hauteurs constituées de noyaux granitiques et d’épanchements volcaniques dépasse 4 000 m dans les monts San Juan: montagnes grandioses qui abritent sur leurs flancs le parc national de Mesa Verde.

Le grand nombre de parcs nationaux qui y ont été créés (Rocky Mountain National Park au Colorado, Yellowstone Park dans le Wyoming, Glacier National Park dans le Montana) témoigne de l’intérêt touristique de cette chaîne. Vers le sud, ces hautes montagnes se subdivisent en une série de crêtes qui encadrent la vallée du rio Grande, tels les monts Sangre de Cristo qui culminent au pic Planca (4 361 m) à l’est. On peut considérer que la sierra Madre orientale en est le prolongement au Mexique. Le climat est évidemment en rapport avec la latitude, mais les hautes altitudes provoquent un renforcement du taux d’humidité. Dans l’ensemble, on constate une dissymétrie entre les versants exposés à l’ouest, plus arrosés, et les pentes orientales où règne la sécheresse; les bassins sont arides alors que les hauteurs sont boisées. La forêt grimpe jusqu’à 4 000 m au Nouveau-Mexique, mais ne dépasse guère 3 400 m dans le nord du Montana. Les températures sont souvent excessives et, dans la région du Grand Lac Salé, vers 1 400 m d’altitude, la moyenne de janvier est de 0 ⁰C et celle de juillet de 25 ⁰C.

Les richesses naturelles

L’économie des montagnes Rocheuses est fondée sur les produits de la forêt, de l’élevage et des mines. La forêt, tout en étant moins vigoureuse que sur les chaînes pacifiques, n’en est pas moins exploitable: c’est surtout le Montana occidental et l’Idaho septentrional qui en tirent le plus de ressources, comme en témoignent les villes de Cœur d’Alene et de Missoula. Les essences sont surtout des conifères et l’exploitation est particulièrement développée le long des voies de communication, notamment des transcontinentaux; on utilise aussi les cours d’eau pour le flottage du bois. Cela a permis le développement de grandes scieries, d’usines de pâte à papier, de production de produits chimiques par distillation du bois.

Dans l’Utah, les deux tiers du territoire sont en pâturages; dans le Nevada, les quatre cinquièmes. Cette région d’élevage extensif est le domaine des grands ranches , dont le plus vaste, dans l’État de Washington, atteint 44 000 hectares. Dans le Nord, où l’humidité est plus élevée, prédomine le gros bétail, alors que les moutons sont surtout répandus à partir du sud de l’Idaho et du sud-est de l’Oregon. Les bovins deviennent plus nombreux à mesure qu’on s’élève sur les pentes plus arrosées. À la bordure des Rocheuses, des migrations régulières associent les vallées très fraîches de l’Utah et du Nevada et les hauteurs voisines, plus riches en herbe. Les déplacements de troupeaux peuvent atteindre jusqu’à 450 km et se font de plus en plus par chemin de fer et par camions. Une forte partie du revenu agricole des États montagneux repose donc sur la richesse du troupeau: celle-ci constitue les quatre cinquièmes du revenu des agriculteurs dans l’Utah, le Nevada et le Wyoming, où l’on compte presque trois fois plus de bovins et deux fois plus de moutons que d’habitants. Le Colorado est l’État qui compte le plus de bovins de la région (3 125 000 têtes en 1984), suivi par le Montana. Aussi cette partie des Rocheuses est-elle une des grandes pourvoyeuses de viande de Californie. Les échanges sont également importants avec les Grandes Plaines: au contact des zones productrices d’aliments et de celles fournissant les jeunes bêtes se sont développés les feed-lots (parcs d’engraissement). La société Monford of Colorado a ainsi créé dans la région de Denver deux parcs géants de 100 000 têtes chacun. Les feed-lots sont de véritables usines à viande, liées à des abattoirs géants. Les cultures dont les superficies s’accroissent sont liées aux possibilités de l’irrigation, qui se traduit par la création d’oasis. Dans le bassin de Phœnix, on a ainsi pratiqué la culture du coton, et l’Arizona se classe au troisième rang des États-Unis avec 13 p. 100 de la production nationale.

Les combustibles, les minerais de métaux ordinaires et de métaux précieux, ainsi que la potasse, constituent une autre source de richesse. Du Montana au Nouveau-Mexique, les réserves de charbon sont considérables (environ la moitié des réserves nationales) et commencent à être exploitées. Le Wyoming, devenu dans les années 1980 le troisième État producteur de charbon (193,9 Mt en 1991), a été surnommé l’«Arabie Saoudite du charbon». Le Colorado et l’Utah sont également producteurs. Le charbon est, soit transporté par convois ferroviaires lourds, soit utilisé dans de gigantesques centrales thermiques qui alimentent les grandes agglomérations californiennes. Pour le pétrole, on compte environ deux cents gisements en exploitation mais qui sont de taille modeste. Le Wyoming fournit 16 millions de tonnes; l’Overthrust Belt (frontière entre le Wyoming, l’Utah et l’Idaho) possède des réserves intéressantes. Enfin, les schistes bitumineux contiennent trois fois plus de pétrole que tous les gisements connus réunis. Le gaz naturel est abondant mais dispersé (Nouveau-Mexique: 29 000 millions de mètres cubes, Wyoming). Cependant, ce sont les minerais métalliques qui tiennent la première place et qui ont, dans bien des cas, déterminé l’établissement de noyaux de peuplement jusqu’à une grande altitude et dans des lieux retirés (cuivre: 835 000 tonnes, 65 p. 100 de la production nationale; manganèse en Arizona, argent, uranium...). Le Colorado peut se targuer d’être à la fois le seul producteur d’étain des États-Unis, le premier producteur de molybdène du monde (à Climax se trouve la plus grande mine du monde); on y extrait aussi le vanadium. Le Nouveau-Mexique est riche en uranium, le Nevada en tungstène, l’Oregon se classe en tête pour le nickel, le Montana pour le chrome. Les neuf dixièmes du cuivre des États-Unis viennent de la région (Bisbee, Morenci, Miami dans l’Arizona; Bingham dans l’Utah; Butte et Anaconda dans le Montana) qui contient 89 p. 100 des réserves nationales. Le cuivre est fréquemment associé au plomb et au zinc que l’on trouve également à Cœur d’Alene. Les réserves de mines de fer sont abondantes et peu exploitées (Excelsior dans le sud-ouest de l’Utah, Elko et Lovelock dans le Nevada). Enfin, on exploite de grands gisements de potasse dans le Nouveau-Mexique (91 p. 100 des réserves nationales) et dans l’Utah.

Les centres urbains

Si les villes sont rares à l’intérieur de la montagne, toute une série de centres au contact des grandes plaines et des plateaux intérieurs se répartissent sur la bordure. On citera en particulier: Spokane, carrefour de communication et centre commercial régional, créé en 1873 et qui, en 1990, atteint 177 196 habitants; Salt Lake City, capitale de l’Utah, dont l’agglomération dépasse 900 000 âmes et qui est le centre des pays de l’intérieur, la capitale des Mormons, le carrefour d’une oasis prospère et la plus importante d’une série de villes industrielles (mines de plomb, de cuivre, sidérurgie, conserves alimentaires). À l’est, des villes moyennes comme Great Falls et Billings sont les débouchés des vallées septentrionales. Mais le principal centre urbain est celui de Denver, qui domine toute la partie centrale (467 610 hab. en 1990, 26^e ville des États-Unis); l’agglomération compte environ 1 620 000 habitants; porte des Rocheuses et métropole des grandes plaines centrales, c’est le point de convergence de sept grandes lignes de chemin de fer et le carrefour du camionnage transcontinental. À proximité des gisements miniers, des bassins houillers ont favorisé le développement de l’industrie (métallurgie, construction de matériel minier, électronique, travail du cuir et du caoutchouc, conditionnement de la viande). Denver est aussi un des centres de sports de montagne des États-Unis.

Si les États des montagnes Rocheuses restent les moins peuplés des États-Unis (11 841 000 hab. en 1982, soit 5 p. 100 de la population nationale), ils ont connu, entre 1972 et 1982, les plus forts taux d’accroissement (3 p. 100 en moyenne par an contre 1 p. 100 pour l’ensemble du pays) grâce à une immigration active en provenance des autres États; les États du Sud-Ouest, Nevada, Arizona ayant les accroissements maximaux, respectivement 5,1 et 3,9 p. 100.

Encyclopédie Universelle. 2012.